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 Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Essai_13

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  Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]

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Zafrina
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MessageSujet: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitimeMar 20 Juil 2010 - 22:14

À propos du chapitre supplémentaire



Lorsque je travaillais avec les producteurs pour l'adaptation cinématographique des Âmes vagabondes, j'ai eu envie d'explorer d'autres pistes, susceptible d'être portées à l'écran, que le roman écrit à la première personne ne pouvait offrir. Un moment, en particulier, avait toujours existé dans ma tête, même s'il ne pouvait apparaître dans le livre puisque la narratrice se trouvait inconsciente alors. J'ai donc décidé de l'écrire au cas où le metteur en scène aurait envie de montrer ce passage dans son film. D'un point de vue chronologique, cet épisode se situe entre le chapitre 58 et 59. J'espère que vous apprécierez ce nouveau point de vue sur l'histoire au moment ou Melanie se réveille…

Stephenie Meyer.



Seule


- Je suis seule.
Il fait noir. Je ne me souviens plus où je suis… ni même ce que je fais là. Je suis seule et ce n'est pas normal. Où est Gaby ? Je n'ai plus d'yeux pour la voir. Je ne sais plus comment l'appeler. Tout est silence. Je ne perçois pas sa présence. je ne sens plus notre corps.
La panique monte en moi. Où est sa voix ? Je ne l'entends plus. J'attends qu'elle dise mon nom, qu'elle m'explique où je suis. Qu'elle ouvre mes yeux pour me redonner la vue. Je veux entendre sa voix - ma voix - dans ses plus douces inflexions, dans toute sa chaleur.
J'attends, mais rien de vient. Il n'y a que moi et l'obscurité.
Plus j'essaye de me souvenir, plus ma terreur grandit. M'a-t-elle enfermée à nouveau, jetée encore aux oubliettes ? Elle l'a fait une fois, je le sais, mais je n'en ai plus le souvenir. De toute façon, je ne crois pas que ça faisait cet effet-là : cette panique dans le noir… C'était juste le néant, alors. Le rien.
Et je ne crois pas non plus que Gaby ferait ça aujourd'hui. Parce que nous nous aimons toutes les deux. Oui, on s'est dit ça. Juste avant… avant quoi ? Je fouille en vain ma mémoire.
On se disait qu'on s'aimait… on se disait...
… au revoir.
Mes souvenirs me reviennent d'un coup - limpides et puissants - et avec eux, le reste de ma personne. Je sens soudain le lit sous moi, la sueur ruisselant sur ma peau, me donnant la chair de poule dans l'air froid de la nuit. Je distingue une lueur rougeâtre derrière mes paupières. Je m'entends respirer. Je perçois une voix, de plus en plus forte, comme si quelqu'un tournait un bouton de volume invisible.
La mémoire est plus puissante que les sens. La mémoire est douleur.
Je n'ai pas pu l'arrêter ! Elle est morte pour moi, et je n'ai pas pu l'empêcher. Il est trop tard, à présent. Ça ne sert plus à rien que je puisse remuer mes doigts, que je puisse fermer mes mains, serrer les poings de rage. C'est trop tard. Gaby est morte. Elle m'a sauvée et je ne l'ai pas sauvée.
Je n'écoute pas cette voix toute proche qui s'amplifie. À cet instant, je ne prête pas même attention à ces mains étrangères qui effleurent mes doigts. J'écoute la voix de Gaby dans mes souvenirs,, j'entends ses dernières pensées. C'est juste un écho dans ma tête désormais, une rémanence. Parce qu'elle n'est plus.
J'ai tellement peur, disait-elle.
Je ressens à nouveau sa terreur - mais c'est juste un soubresaut de la mémoire.
Je l'ai laissée se sacrifier. J'ai fais ça.
Je me souviens de son raisonnement - pourquoi elle avait pris la décision de mourir et de me laisser vivre : elle ne voulait plus vivre aux dépens de quelqu'un qu'elle aimait.
Et moi ? Que suis-je censée faire à présent ? Vivre aux dépens de sa vie ? C'est ça le happy end ? Vivre avec moi, ce monstre qui a laissé mon amie - mon âme soeur - mourir pour moi ?
- Mel ? Mel, je t'aime, reviens. Mel, Mel, Mel.
C'est la voix de Jared ; il tente de me faire remonter à la surface, comme l'a fait Gaby avec l'hôte de la Soigneuse, comme elle a appris à Kyle à le faire pour appeler sa Jodi.
Je peux lui répondre. Je peux parler à présent. Je sens ma langue dans ma bouche, prête à se mouvoir selon ma volonté. Je perçois l'air qui s'engouffre dans mes poumons, prêts à expulser des mots, si tel en est mon désir.
- Mel, je t'aime, je t'aime.
Voila le cadeau de Gaby, payé avec son sang argent. Jared et moi, ensemble à nouveau, comme si elle n'avait jamais existé, comme si elle ne s'était pas sacrifiée pour nous deux…
Si j'accepte ce cadeau, je profite de sa mort. Je la tue une deuxième fois. De son sacrifice, je fais un meurtre.
- Mel, je t'en prie… Ouvre les yeux.
Je sens sa main sur mon visage, glissant dans mon cou. Ses lèvres sur mon front sont des tisons, mais je n'en veux pas - pas à ce prix.
Mais peut-être avais-je déjà accepté sa mort ?
Si j'avais vraiment voulu que Gaby vive, n'aurais-je pas trouvé un moyen de la sauver ? Gaby était bien parvenue à épargner l'horrible Traqueuse… Peut-être ne voulais-je pas réellement sauver mon amie - l'amie la plus chère à mon coeur - et c'était pour cette raison précisément qu'elle était morte.
"Meurtre" est finalement le bon terme.
Gaby pleurait quand elle nous a fait ses adieux. Mes yeux s'en souviennent… ils étaient alors bouffis et brûlants. De nouvelles larmes suivent maintenant le chemin des anciennes et roulent sur mes tempes.
- Mel ? Doc, venez ! Je crois qu'elle a mal !
Doc est toujours dans l'infirmerie. J'entends ses pas se rapprocher.
Non, ce n'est pas un souvenir… Mes yeux me brûlent encore ! Combien de temps s'est-il donc écoulé ? Une heure ? Quelques minutes ? Peut-être n'est-il pas trop tard ?
Mes paupières se soulèvent. Le visage de Jared est tout proche, ses yeux remplis d'inquiétude ; ses lèvres s'entrouvrent pour parler à nouveau. Il voit que je suis consciente de sa présence. Mais aucun son ne sortira de sa bouche, quoi qu'il ait eu l'intention de dire.
Je le repousse d'un grand coup sur la poitrine ; il ne s'attend pas à ça et il recule sous le choc. Je m'assois sur le matelas et explore la salle du regard, à la recherche d'un signe d'elle - un reflet argenté, un mouvement scintillant. Est-elle en train d'agoniser ici, juste à côté de moi ? Y a-t-il une chance, même infime, pour qu'il ne soit pas trop tard ?
- Mel ? répète Jared en prenant mon poignet droit.
Il avance sa main pour attraper mon autre bras.
- Où est-elle ?
Je glisse vers l'autre côté du lit, dans l'espoir de lui faire lâcher prise. C'est curieux ; je ne suis pas étourdie, ne ressens aucun vertige. Peut-être ne suis-je pas restée si longtemps inconsciente ?
Jared m'observe, surpris, tenant toujours mon poignet. Je le regarde une demi-seconde, puis je scrute à nouveau l'antre e Doc. Par chance, la lampe halogène est allumée.
Je ne vois nulle part de reflet argenté. Elle n'est pas là. Puis mon regard s'arrête sur un objet métallique. Cela n'a pas cet éclat qui m'est si cher. C'est plat, froid, sinistre. Une lame de couteau.
C'est le gros couteau de chasse de Jared - posé sur l'oreiller du lit voisin, presque à portée de ma main -, le couteau avec lequel Gaby s'est ouvert le bras pour sauver Jamie. Jared ne prend cette arme que lorsqu'il quitte les grottes. Elle n'a rien à faire dans une infirmerie.
Un souvenir - le mien et celui de Gaby - me revient en mémoire… les âmes déchiquetées… J'ai le même hoquet d'horreur qu'elle alors - peut-être plus violent encore. Le sort funeste de ces âmes étrangères n'était pas si surprenant au fond, sauf pour la douce et innocente Gaby. Mais ce qu'ils ont fait là… il n'y a aucune excuse. C'est de la pure cruauté. De la barbarie. Un cauchemar absolu.
Jared était-il devenu fou ? Il ne nous a donc jamais cru ? Il pense toujours que Gaby était une espionne - encore maintenant, alors qu'elle avait donner sa vie pour nous… pour nous deux ? Il lui aurait joué la comédie jusqu'à la fin ?
Ou a t-il voulu abréger ses souffrances ? Peut-être se débattait-elle, se tortillait-elle de douleur pendant que je dormais ? Un sanglot monte dans ma gorge.
Jared contourne le lit, sans lâcher mon poignet, et tente de m'enlacer.
- Mel, ma chérie, c'est fini. Tout va bien. Tu es revenue.
Comme il tient toujours ma main droite, je ne peux le frapper du poing. De mon bras libre, je lui donne un coup de revers de la main, à la pommette. Je sens tous les os de mon bras vibrer sous l'impact.
Il a un hoquet de douleur et recule d'un pas, lâchant mon poignet. Libre à présent de mes mouvements, j'enchaîne ce premier coup avec un uppercut qui trouve l'angle de sa mâchoire.
Il y a longtemps, j'avais dit à Gaby que je serais incapable de frapper Jared. Mais aujourd'hui, je veux lui faire mal.
Aucune petite voix n'émet de protestation devant ma fureur - d'où serait-elle venue ? Rien ni personne pour me dire que ce que je fais est mal… et cela décuple encore ma rage.
- Comment as-tu pu faire ça ? crié-je en cognant encore, mais cette fois sans effet, car il a monté sa garde. Qu'est-ce qui t'a pris ? Comment as-tu pu la tuer ?
Je me souviens des autres âmes que j'avais vues… la Soigneuse, la Traqueuse… et je les vois avec les yeux de Gaby. Magnifiques, fragiles, rubans diaphanes d'argent. Gaby aurait été aussi belle. Et puis je pense aux autres, déchiquetées…
Quelqu'un -Doc - m'attrape par le bras au moment où je fonce sur Jared, les deux poings en avant. Je donne un violent coup de coude en arrière. Je fais mouche ; il me lâche dans un hoquet.
- Vous l'avez tuée ! (Et je leur hurle, comme Gaby : ) Vous êtes des monstres ! Des barbares !
- Mel ! crie Jared à son tour. Écoute moi.
Je plonge vers lui ; il esquive l'attaque, les mains tendues comme s'il voulait m'attraper. Je songe une fraction de seconde à foncer sur le couteau ; une part de moi se rend compte que je perds toute mesure, mais je ne veux pas être raisonnable. Pas maintenant que Gaby est morte - morte pour moi - et que moi, je respire encore.
- Mel, je t'en supplie, ne…
- Comment as-tu pu ? Comment ?
Je frappe à nouveau. Jared esquive encore. Il est rapide.
Un mur de chair se dresse brusquement à côté de moi. Du coin de l'oeil, je m'aperçois que le lit dans l'angle de la pièce est occupé. Le visage sans expression de Jodi, ourlé de boucles brunes, les yeux clos, est désormais tout proche. Et Kyle, tenant d'un bras la cuve de Soleil, s'est placé entre Jodi et moi. À le voir protéger le corps de la fille q'u'il aime et l'âme en hibernation, le géant m'est brusquement très sympathique. Contre toute attente, il ne fait aucun mouvement vers moi.
Je me souviens de ses mains énormes me plongeant la tête sous l'eau.
Même Kyle est capable d'apprendre. Comment Jared a-t-il pu être aussi borné, aussi cruel - pire encore que Kyle à ses pires heures ?
Par réflexe, je recule d'un pas, et Jared en profite pour m'attraper le poignet et me tordre le bras dans mon dos. Je vois qu'il fait attention à ne pas me faire mal. Ce n'est pas comme lors de notre première rencontre, quand nous pensions mutuellement avoir affaire à un alien. Alors, nous étions prêts à nous entretuer. Mais cette clé de bras ravive ma rage de cette nuit. Je ne veux plus vraiment lui faire de mal, mais je suis tellement en colère que je doute de pouvoir me contenir.
Je ne peux accepter la mort de Gaby en échange de ma vie. Jamais. C'est trop cher payé.
- Melanie ! lache Kyle de sa voix de baryton. (Il paraît agacé. Je suis tellement surprise de l'entendre prononcer mon nom que je le laisse poursuivre.) Du calme ! Gaby va bien. Elle est là, juste ici…
Je le fixe, bouche bée.
Il désigne le bureau de Doc, où sont posées trois cryocuves, toutes avec leur voyant rouge allumé. Deux trônent au milieu, comme dans mon souvenir, mais il y en a une autre, à l'écart dans le coin gauche. Je regarde les trois caissons, puis celui que tient Kyle. Quatre cuves. Les deux Soigneurs, Soleil, plus une…
Gaby.
Je fonds en larmes.
L'alien, qui est devenue mon amie, est en vie. Elle est là, et maintenant que j'ai retrouvé la maîtrise de mes mains, je peux m'assurer qu'elle ne disparaîtra jamais, qu'elle nous survivra.
Jared lâche mon bras e s'approche pour m'enlacer, mais je le repousse, m'écarte de lui, de Doc, et fonce vers Gaby. Avec précaution, je prends la cuve dans mes bras et la serre contre moi. Elle ne sait pas que je suis là, mais un jour - un jour prochain - je lui raconterai ce moment. Je lui dirai que je n'acceptais de récupérer mon corps que s'il pouvait la protéger.
- Mel…, souffle Jared derrière moi.
Il hésite à présent ; il se contente d'effleurer mon bras.
Je ne me retourne pas.
- Laisse moi une seconde…
Il attend. Ses doigts restent posés sur ma peau.
Je prends plusieurs inspirations, tentant de m'habituer à cette nouvelle réalité. Gaby est saine et sauve et je vais la ramener. Je suis à nouveau moi même… c'est ce que j'ai toujours souhaité. Jared est ici avec moi. Notre famille, grâce à Gaby est intacte. J'a tout ce que je voulais. Il n'y a personne d'autre que moi dans ma tête.
Et, en même temps - c'était à prévoir - je me sens si seule. Je ne sais pas os je vais pouvoir arrêter de pleurer. J'aurais aimé entendre Gaby me dire que tout allait bien. Je lui avais promis que je serais heureuse, mais ce n'est pas le cas. Je suis abandonnée.
- Tu me manques, murmuré-je au caisson de métal dans mes bras.
Pendant un moment, le silence se fait dans la grotte de Doc. Je sens mes compagnons derrière moi.
- Que s'est-il passé ? demandé-je sans me retourner.
- Je suis arrivé juste à temps, répond Jared.
Je ne comprends pas bien. Ma voix chevrote :
- Doc ?…
- Je lui avais donné ma parole. Je suis désolé, Melanie, mais je ne te connais pas… pas vraiment.
Je me retourne. Il rougit et fuit mon regard.
- Je ne sais pas si, toi, tu me connais davantage, poursuit-il. Ni quelle part tu avais dans les relations que j'entretenais avec Gaby. (Il s'éclaircit la voix.) Mais elle savait que je n'avais qu'une parole. Et je crois qu'elle tenait vraiment à ce que je tienne ma promesse. Elle voulait mourir ici.
Il me regarde cette fois dans les yeux.
- Elle avait tort ! lâché-je en serrant les dents.
Doc soutient mon regard puis hausse les épaules.
- Je suppose que je suis soulagé que Jared m'ait arrêté. J'espère qu'elle me pardonnera.
Je ris. Mais je manque d'entraînement.
- C'est une experte du pardon ! (Je me tourne vers Jared : ) Tu l'as suivie ?
Il acquiesce.
- Je sentais qu'il se tramait quelque chose.
Il me dévisage, hésitant. À l'évidence, il se demande s'il a le droit de me prendre dans ses bras.
Je ne suis pas encore prête. Je regarde le couteau, puis me tourne à nouveau vers lui.
- Doc n'a pas voulu faire ce que je lui demandais… pas tout de suite, explique Jared tandis que Doc, d'une main nerveuse, se frotte la gorge.
Je hausse les sourcils, impressionnée malgré moi.
Jared s'étonne de ma surprise.
- Je l'aime aussi, déclare-t-il. Je voulais qu'il ne lui arrive rien pendant que tu étais inconsciente. Quel que soit le plan tordu qu'elle avait mis en branle.
C'était typique de Jared… comme lorsqu'il s'était faufilé dans la chambre de Jamie pour endormir Doc… Gaby et moi savions alors qu'il avait compris, qu'il nous croyait, qu'il était redevenu celui dont nous avions tant besoin : "mon" Jared. Ainsi, il était venu au secours de Gaby, comme je l'aurais fait à sa place. Je sais ce qu'aurait dit Gaby à propos de cette intervention, de ce recours à la violence. Un sourire naît sur mes lèvres.
Jared voit l'émotion emplir mes yeux, adoucir mon visage ; il fait ce pas tant redouté vers moi pour passer son bras autour de moi - autour de nous deux, car je tiens toujours Gaby. Cette fois, je le laisse faire. Et plus encore : je me blottis contre lui, séchant mes joues maculées de larmes sur son épaule.
- Merci, murmuré-je.
Jared dépose un baiser sur le sommet de mon crâne.
C'est le silence. J'entends le grincement d'un lit ; ce doit être Kyle qui se recouche. Sans doute est-ce pour cela qu'il paraissait agacé plus tôt. je l'avais réveillé ; au diable cette dispute entre Doc, Jared et une troisième personne qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, il voulait dormir ! Cette attitude autistique était aussi comique que pathétique. Je ne crois pas que je serais tolérante avec Kyle que ne l'a été Gaby. Je n'ai pas la fibre du pardon.
Mon visage toujours plaqué contre l'épaule de Jared, je me demande ce que pense Doc de ces retrouvailles. Il doit se tenir à l'écart, mal à l'aise, s'efforçant de regarder ailleurs. Ou alors au contraire, il me dévore des yeux, tentant d'assimiler l'idée qu'il a désormais une nouvelle personne devant lui. Gaby pensait souvent à la façon dont les humains m'auraient accueillie si cela avait été moi, et pas elle, qu'ils avaient ramenée dans les grottes ; elle les voyait tous accourir pour m'embrasser, me faire la fête. Peut-être se trompait-elle ? Je sens une froideur palpable chez Doc… Est-ce à cause de Jared et de son couteau ? Mais peut-être est-ce moi, la source du problème ? Peut-être les amis de Gaby ne vont-ils pas m'apprécier autant que ça ? "Les meilleurs ici vont pleurer ta perte", lui avais-je dit. Accepteraient-ils que j'aie pris sa place, volé ce corps qu'ils croyaient le sien ?
Et Jamie ? Oui. Je sais qu'il m'aime. Mais comment réagira-t-il quand il verra Gaby dans un caisson de métal ? Sera-t-il heureux de me retrouver, alors que pour lui je n'étais jamais partie ?
Et Ian ?…
Je n'ose même pas penser à lui. iil ne m'aime pas comme Jamie. Je ne suis pas même sûr qu'il m'estime. Il va sans doute me haïr dès qu'il découvrira que Gaby est partie.
J'ai promis à Gaby que je veillerais sur Ian, mais je sais, en mon for intérieur, qu'il refusera mon aide. Comment pourrait-il me pardonner ? Je serai dans ce corps et Gaby dans une boite en fer.
Il nous faut un corps. Et vite.
Mais la fureur de Ian n'est pas l'unique raison de mes craintes… Je l'ai embrassé, je m'en souviens - il y a seulement quelques minutes sans doute, et cela m'avait paru juste, et nécessaire. Une part de moi se languit déjà de lui. Une part de moi voudrait ce soit lui qui me tienne dans ses bras.
Jared me sens frémir. Il me serre plus fort.
- Ça va aller, me promet-il
Je le crois. J'hume son odeur. C'est bien là que je veux être. Nulle part ailleurs.
Je suis trop épuisée pour penser à Ian. Trop fatiguée. Je reste dans les bras de Jared. Me polotonne contre lui.
Cela va être compliqué.

La grosse voix de Kyle, bien trop forte même quand il essaie de parler doucement, me tire du sommeil. Je suis allongée. Désorientée, comme lors de mon premier réveil. Combien de temps ai-je dormi ?
- Regarde-moi, Jodi. S'il te plaît. Chérie… je veux que tu ouvres les yeux. Fais le pour moi. Je t'en prie. Serre ma main. Fais quelque chose.
La voix de Kyle se brise et j'ouvre les yeux. Les bâches occultent toujours les bouches d'aération. Ainsi, le soleil n'est pas trop aveuglant. C'est le matin, mais la lumière est jaune, pas orangée. L'aurore doit être loin?
C'est normal que j'aie tant dormi. Gaby était debout depuis si longtemps. Elle était épuisée. Mais ce n'est pas le moment de faire la grasse matinée.
Ian est-il réveillé ? Me cherche-t-il ?
Pas moi. Mon âme soeur.
Je me redresse trop vite et je suis prise de vertige. Je scrute la grotte à la recherche de Gaby. La cuve est sur le lit voisin.
- Tout va bien, murmure Jared d'une voix douce - celle qu'il prend pour parler aux enfants terrifiés ou aux malades. Elle est ici. Elle ne va aller nulle part.
Jared est adossé à mon lit, de l'autre côté. Il sourit. Il a les yeux taquins. En même temps, je perçois une incertitude dans ces yeux. Il n'est plus sûr de me connaître vraiment. Il se demande à quel point Gaby m'a changée.
Un hématome violer s'est formé sur sa pommette.
Je m'éclaircis la gorge pour chasser le sommeil et articule :
- Je suis désolée. Merci encore pour ce que tu as fais.
- Je t'aime.
À la façon dont il prononce ces mots, ce n'est pas une simple déclaration. C'est presque un défi.
- Je t'aime aussi. (Je roule des yeux.) Idiot !
Il sourit. C'est tout ce dont il a besoin. Il me soulève du lit et m'attire contre lui.
Je le serre aussi, mais j'ai l'impression de tricher. Je ne suis pas encore prête. Il y a trop de choses que j'ai laissées en souffrance pendant que je dormais. Tout ça pèse sur mes épaules, comme une condamnation, une peine que je dois accomplir avant de pouvoir continuer mon chemin.
- Qu'y a-t-il ? demande Jared en me sentant raidir. Je veux savoir ce qui t'angoisse. Parle moi.
Son ton est si grave, si sérieux ; il est prêt à jouer les psys s'il le faut !
- C'est tout simple. (Je pousse un soupir.) Ian.
Ses bras se crispent un instant, puis il se force à se détendre. Un doute naît sur son visage, une inquiétude qui ne s'était jamais manifestée auparavant.
- Il faut lui dire. Plus j'attends, plus…
- Il est très tôt. Il doit dormi encore. Allons y tout de suite.
Mon Jared, le spécialiste de l'action immédiate…
- Je dois lui parler seule d'abord. Lui expliquer.
Jared reste pensif.
- Je n'aime pas ça, déclare-t-il finalement. (Il parle plus lentement que d'ordinaire, détachant chaque mot pour leur donner plus de poids.) Il va être en colère. Très en colère.
- Je sais.
- Je viens avec toi.
- Non. Cela risque de le blesser d'avantage. (J'en suis sûre en fait, comme je suis sûre que je n'ai rien à craindre de Ian. Je le connais bien.) Et ne t'avise pas de me suivre comme tu as suivi Gaby. Rassure-toi, tout est clair ; c'est simplement à moi de lui apprendre la nouvelle.
Jared hoche la tête une seule fois, guère convaincu. Il y a toujours cette inquiétude sur son visage. Je ne vois pas ce que je peux ajouter pour la dissiper. Les mots ne suffisent pas, en particulier après cette longue année à entendre parler une autre personne par ma bouche. Jared finira par se rendre compte que rien n'a changé de mon côté, même si Gaby habitait mon corps quand elle est tombée amoureuse de Ian. Du temps et des actes - c'étaient les deux remèdes pour dissiper ses doutes, et les miens.
Je prends son visage dans mes mains et l'embrasse d'abord sur la bouche avec force, puis une seconde fois, tout doucement, sur son ecchymose.
Le poids sur mes épaules est trop lourd pour que je m'attarde. Je dois en finir avant de pouvoir me laisser aller avec lui. Je ne peux être heureuse tant que je n'aurai pas accompli ma mission. Tout plaisir est pour l'heure parasité, transformé en souffrance.
Jared m'étreint le bras au moment où je me détourne. Je passe devant Doc, qui ronfle en sourdine sur le dernier lit, et quitte l'infirmerie. Dès que je pénètre dans le tunnel sud, je suis aussitôt saisie par cette impression étrange, surnaturelle.
Je ne pensais pas que je vivrais ça à nouveau : marcher dans ces ténèbres souterraines. La dernière fois paraissait tellement "définitive". Ma raison savait que je n'avais d'autre choix, ce matin, que de me lever de mon lit et de retourner dans ces grottes. Mais cela faisait en effet bizarre, comme si j'étais une étrangère en ce lieu.
Le tunnel me semble à nouveau très long, et effrayant - Gaby avait eu, pendant longtemps, cette sensation.
Je presse le pas ; mes pensées impatientes, se bousculent. Que vais-je dire à Ian ? Vais-je le trouver endormi ? Dois-je frapper avant d'entrer ? Je ne me souviens plus si Gaby a remis la porte en place en partant.
Je l'imagine, bras et jambes en croix, comme de coutume quand il dort, ses cheveux bruns en bataille hérissés d'épis, ses paupières pâles, closes. Il m'est plus facile de me le représenter les yeux fermés. Ses prunelles bleues me font peur, car je sais que le chagrin que je vais bientôt y lire - ainsi que la douleur et la colère, et tous les reproches que je mérite.
Je marche de plus en plus vite, je cours presque. Je veux arriver avant son réveil. Je veux avoir quelques secondes de paix pour contempler son visage, avant qu'il n'ouvre les yeux et qu'il me déteste dans l'instant. Je cours carrément quand je débouche sur la grande place baignée de soleil. C'est la première fois que je pénètre dans cette salle, et en même temps la millième. Je médite encore cette pensée troublante quand je percute Ian de plein fouet.
Il m'attrape le bras par réflexe, pour m'empêcher de tomber à la renverse. Il baisse la tête vers moi, commence à sourire.
Mais son expression se fige. Sa main lâche aussitôt mon bras, comme s'il avait reçu une décharge électrique.
Même si je sais que je suis en tout point semblable à Gaby - sans éclairage direct, mes yeux ne peuvent me trahir - il est évident qu'il sait. Il a compris dans la seconde ou il m'a touchée, et l'information a atteint son cerveau après qu'il a commencé à sourire.
Il recule d'un pas, un faible sourire s'attarde encore sur ses lèvres, mais il n'y a aucune joie sur son visage. On dirait ce rictus que les croque-morts façonnent sur les cadavres.
On se dévisage.
Combien de temps pourrons-nous tenir comme ça ? Son sourire se teinte de chagrin, et c'est une torture pour moi. Finalement, je bredouille les premiers mots qui me passent par la tête.
- Elle va bien. Elle est dans une cuve. On va lui trouver un corps. Tout ira bien pour elle.
Ma voix se perd, devient un murmure presque inaudible.
Je vois son visage se détendre au fil de mes paroles. Du moins un peu. Le sourire mort disparaît, les coins de sa bouche s'affaissent. Ses yeux bleus retrouvent leur éclat. Mais ses traits se crispent à nouveau. Des rides se creusent au coin de ses yeux, ses sourcils se rejoignent sur son front en une barre noire.
Il ne dit rien. On ne dévisage à nouveau, mais nous sommes moins figés que la première fois.
Mes mains commencent à s'élever vers lui. Pour le toucher, lui apporter un réconfort tactile. Pourtant, j'interromps leur mouvement à mi-chemin et je plaque mes bras le long de mon corps. Mes mains tremblent, s'agitent ; elles veulent le toucher. Je ferme les poings.
Nous avons les même impulsions. Il se penche vers moi, à peine, puis se redresse dans un sursaut. Il le fait à trois reprises.
J'attends ses reproches : "Tu l'as fait souffrir à cause de moi. Tu as été mesquine ! Tu connaissais ses faiblesses et tu en as profité. Tu l'as laissée se sacrifier. Elle te vaut cent fois !"
Tout ça est vrai. Je ne vais pas le nier : Je vais plaindre coupable.
Mais il ne dit rien.
Est-ce pour elle s'il se contient ? Parce qu'il sait qu'elle n'approuverait pas ? Ou est-il juste poli, comme on l'est avec une inconnue ?
Je commence à me demander s'il n'est pas silencieux malgré lui. Peut-être n'a t-il pas de mots pour exprimer sa douleur ; cette douleur si facile à lire dans ses yeux.
- Tu veux que… je te conduise à elle ?
Il ne répond pas, mais le chagrin dans son regard s'estompe un peu, se meut en confusion. Ses mains se soulèvent puis retombent lourdement.
- Elle est avec Doc.
Je me tourne à moitié vers le tunnel sud, fais un pas de côté pour l'inciter à me suivre. Dans un soubresaut, il me rejoint.
Marchant en crabe, pour ne pas le quitter des yeux, je m'enfonce dans le conduit. Il me suit, son pas devenant plus sûr. Une fois entièrement plongés dans le noir, je lui tourne le dos et marche droit devant. J'avance sans bruit ; je veux entendre ses pas, être sûre qu'il continue à me suivre. Ses enjambées se font plus sonores. Il presse l'allure. Quelques instants plus tard, c'est moi qui trotte derrière lui !
L'obscurité facilite bien les choses. Comme s'il avait les yeux clos. Nous avançons en silence, mais il y a moins de tension. J'étais invisible pour lui auparavant, mais j'étais toujours là, à proximité. Il a la même impression dans ce couloir, puisqu'il ne peut pas me voir.
- Je n'ai pas pu l'en empêcher, déclaré-je après de longues minutes.
Contre toute attente, après une courte hésitation, il me répond :
- Parce que tu ne voulais pas qu'elle le fasse ?
Sa voix est voilée, tremblante. Peut-être, plus tôt, s'était-il tu de peur de ne pouvoir maîtriser sa colère ? Les ténèbres m'empêchent de voir son visage. Et c'est mieux finalement.
- Non, je ne voulais pas.
Nous ralentissons l'allure. Pendant un moment, nous restons silencieux. Je me demande l'effet que ça lui fait d'entendre ma voix. Ian est un ami pour moi, mais moi, que suis-je pour lui ?
- Pourquoi ? demande-t-il finalement.
- Parce qu'elle… est mon amie la plus chère.
Sa voix est différente, à présent. Calme.
- Je me suis justement posé cette question…
Je ne dis rien, j'attends qu'il s'explique. C'est ce qu'il fait quelques instants plus tard :
- J'ai l'impression qu'il est impossible de ne pas aimer Gaby sitôt qu'on la connaît. Alors toi qui la connaissais jusque dans ses moindres pensées…
- Oui. (Je réponds à la question qu'il ne m'a pas posée : ) Oui, je l'aime.
Il hésite, puis demande :
- Mais tu voulais récupérer son corps…
- Pas si je perdais Gaby.
Je médite sur ma réponse un moment. Ses chaussures heurtent plus durement le sol, et je dois presser le pas pour ne pas me faire distancer.
- Pas question qu'elle quitte cette planète ! grogne-t-il.
Cet autre plan - celui qui n'a jamais été autre chose q'une pure chimère dans notre tête - est aujourd'hui si loin de mes pensées qu'il me faut un petit temps pour réagir.
- Cela n'a jamais été son intention, réponds-je pour le rassurer.
Il ne dit rien, mais son silence est une question chiante. Il ralentit le pas.
Je tente de m'expliquer:
- Elle a inventé ça pour que tout le monde lui fiche la paix. La vérité, c'est qu'elle voulait rester ici. Elle avait prévu de… de se faire enterrer ici. Avec Walter et Wes.
Son silence cette fois est lourd comme du plomb. Il s'immobilise. Je m'empresse de poursuivre :
- Mais qu'elle va bien, comme je te l'ai dit. Doc l'a mise dans une cuve. On va lui trouver un corps très vite. C'est promis.
Il n'écoute déjà plus.
- Comment a-t-elle pu me faire ça ?
Sa voix est sifflante de colère.
- Non ce n'est pas ce que tu crois. Elle pensait qu'elle te ferait plus de mal encore si elle restait ici… dans ce corps.
- C'est stupide. Comment peut-elle préférer mourir que vivre ?
- Elle aime cet endroit. Elle ne voulait vivre nulle part ailleurs.
Ian est très en colère contre Gaby, ce que je trouve injuste. Et ses mots sont cruels :
- Je croyais que c'était une âme "fidèle"…
- Elle l'est ! (Je regrette immédiatement mon emportement. je n'ai pas le droit de lui en vouloir. Alors je reprends lentement, en mesurant mes paroles : ) Gaby disait en avoir assez d'être un parasite, mais je crois qu'elle était simplement à bout. Elle était épuisée, Ian. Vidée. Bien plus qu'elle ne le laissait paraître. Perdre Wes… ça a été terrible pour elle. Elle s'en voulait tellement…
- Mais elle ne pouvait rien y faire.
- Va lui faire admettre ça ! (Voila je crie à nouveau. J'essaie aussitôt de me calmer.) Et il y a eu la Traqueuse. Cela a été plus pénible que tu ne l'imagines. Mais le pire, cela a été toi. T'aimer tout en aimant… Jared. Aimer Jamie et savoir en même temps qu'il avait encore besoin de moi. Et m'aimer moi. Elle avait l'impression de nous faire du mal à tous rien qu'en respirant. Tu ne mesures pas ce que c'était pour elle, parce que tu es un humain. Tu ne peux imaginer ce que ça lui faisait. C'était pour elle un… un…
Je n'arrive pas à trouver le mot juste et une boule de chagrin m'obstrue la gorge.
- Je crois comprendre ce que tu veux dire. (Sa voix est plus douce à présent. Son antagonisme a disparu. Ian n'est pas du genre à cultiver la colère.)
- Elle avait réellement besoin d'une pause, mais elle a choisi une solution radicale et… définitive. J'ai essayé de l'en dissuader, mais elle ne voulait rien entendre. J'ai pensé que je ne pouvais rien y faire… (Ma voix se brise. Je prends une grande inspiration.) Heureusement que Jared nous a suivies.
Quand j'ai prononcé le nom de Jared, j'ai entendu un petit bruit, infime, dans les ténèbres. Comme si quelqu'un, marchant sur la pointe des pieds, venait de trébucher. Et j'ai compris : Jared avait eu la même réaction qu'avec Gaby. Il n'allait pas rester les bras croisés pendant que j'allais au-devant d'un éventuel danger. Je ne risquais rien, évidemment, mais Jared connaissait moins Ian que moi. Pour être honnête, si la situation avait été inverse, j'aurais probablement réagi comme lui… ET s'il avait fait soudain allusion à moi aussi fait un faux pas dans l'obscurité. J'ai roulé des yeux, entre l'agacement et l'amusement.
- Jared a compris, soupire-t-il. Et moi je n'ai rien vu.
- Jared est toujours d'une grande prudence. Il n'écoute jamais ce qu'on lui dit. Jamais ! (Je dis ça pour lui. Ainsi, il sait que je l'ai repéré.)
- Mais il avait raison.
- Oui. ( Je pousse un grand soupir de soulagement à l'idée que cela s'était joué à un cheveu.) La paranoïa a du bon parfois.
Nous marchons à nouveau en silence? Je tends l'oreille, mais je n'entends pas Jared. Il fait attention maintenant !
- Tu crois qu'elle va être en colère quand elle va se réveiller ? demande Ian.
Je renifle, d'un air moqueur.
- Gaby, en colère ? Allons !
- Triste alors ? demande-t-il en baissant la voix.
- Tout ira bien, Ian.
Je sais qu'elle se réjouira quand elle découvrira que nous voulions tous qu'elle vive. Elle est faite comme ça. C'es dans sa nature. Et je n'ai aucun scrupule à lui forcer la main, parce qu'elle aussi, derrière son inclinaison, elle veut vivre - c'est ce qu'elle aurait souhaité pour elle-même si elle était un tout petit peu égoïste…
- Tout à l'heure… tu as dit qu'elle t'aimait, qu'elle aimait Jamie, et Jared… et moi…
- Oui ?
- Tu crois qu'elle m'aime vraiment ? ou c'est juste une réaction emphatique parce que je l'aime, moi ? Parce qu'elle ne veut pas me faire de peine ?
Ian la connaît bien. Mieux que quiconque en dehors de moi.
J'hésite.
- Je pose la question uniquement parce que je ne veux pas être un poids quand elle se réveillera. (Il attend un moment ma réponse ; voyant que je ne dis rien, il reprends : ) N'aie pas peur de me blesser. Je veux la vérité.
- Je n'aie pas peur de te blesser. Je cherche juste la bonne façon d'expliquer la situation. Je n'ai pas été entièrement humaine, cette année passée, alors je comprends ce qui se passe, mais je ne sui pas sûre que toi tu le puisses.
- Essaie toujours.
- C'est très fort, Ian. Ce qu'elle ressent pour toi, c'est vraiment particulier. Elle aime ce monde, mais la vraie raison pour laquelle elle ne peut peut pas le quitter, c'est toi. Tu es son ancre. tu lui as donné envie de se poser quelque part après une vie de vagabondages.
Il prend une grande inspiration. Quand il parle, je sens la paix dans sa voix, pour la première fois.
- Alors tout est pour le mieux.
- Oui.
Après un silence, il ajoute :
- Ne vous pressez pas.
- Quoi ?
Nous avons dépassé l'angle du tunnel et nous nous dirigeons vers la lumière de l'infirmerie. Je sens mes mains frémir d'impatience. il me tarde de tenir à nouveau la cuve dans mes bras. Pour m'assurer encore une fois que Gaby est là, que je ne rêve pas.
- Quand vous partirez lui trouver un corps, prenez votre temps, précise Ian. Choisissez quelqu'un chez qui elle sera heureuse. Je peux attendre.
Je lève les yeux vers lui. Je distingue son visage à présent. SOn expression est sereine.
- Tu ne vas pas venir avec nous ?
J'ai toujours cru qu'il serait présent pour cette ultime étape. Moi, Jared et Ian, tous les trois, pour notre dernier raid.
Il secoue la tête tandis que nous grimpons vers le trou blanc qui marque l'entrée de l'antre de Doc.
- Cette phase ne m'intéresse pas vraiment. Tu sais ce qu'il lui faut. Et je préfère rester avec elle.
Une part de moi est triste de savoir qu'il ne viendra pas, qu'il sera ici, avec Gaby, mais je ne sais pas si je suis jalouse du temps que lui va passer avec elle, ou qu'elle va passer avec lui.
Nous entrons dans la lumière ; Jared est là, qui joue l'innocent, appuyé contre le lit où se trouve la cuve de Gaby. Ian se dirige droit vers elle. Jared s'écarte de son chemin. Dans l'ombre, Kyle regarde la scène d'un oeil morne. Doc dort encore.
Ian soulève le caisson avec un soin infini. Je l'entends soupirer. Un long soupir, de soulagement. De tristesse. D'espoir.
- Merci, articule-t-il à l'adresse de Jared sans quitter des yeux la précieuse cuve.
- Je lui devais bien ça, répond Jared.
Puis Jared tourne la tête vers moi, lève un sourcil. Une question silencieuse…
Je prends une grande inspiration et m'avance vers lui. Oui, je lui réponds avec mon sourire. Oui, j'ai le droit d'être heureuse à présent. Oui, je t'aime aussi. Oui.
Je passe mon bras autour de sa taille, mais mon autre main furète. Mes doigts caressent la cuve de métal que Ian tient dans ses bras.
Je me sens forte, à nouveau. Tout rentrera dans l'ordre. Bientôt.
Alors je raconterai tout à Gaby. Tout.

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MessageSujet: Re: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitimeMar 20 Juil 2010 - 23:18

Cool!

mercii
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MessageSujet: Re: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitimeMar 20 Juil 2010 - 23:28

J'adore la réaction de Mélanie à son réveil.
le fait qu'elle recherche Gaby et qu'elle frappe Jared croyant qu'il l'avait tuer.
La réaction de Jared aussi heureusement qu'il a suivi Gaby.
ET Ian quel amour celui-là!
Franchement ça m'a manquait dans le livre!
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MessageSujet: Re: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitimeJeu 29 Juil 2010 - 16:45

Magnifique!
Comme tu le dis Jenny, ce chapitre manquait dans le livre.
Ian est touchant, poignant. Je l'aime!! drunken

Merci BEAUCOUP Jenny!
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MessageSujet: Re: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitimeJeu 29 Juil 2010 - 19:13

de rien
Ian est un amour on en voudrait tous un comme lui à nos coté.
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MessageSujet: Re: Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"]    Seule [Chapitre Supplémentaire de "Les Âmes Vagabondes"] Icon_minitime

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